Conforter la peur : le crayon, une arme contre la laïcisation (France, 1881-1914) - Centre d'Histoire "Espaces et Cultures" Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Ridiculosa Année : 2015

Conforter la peur : le crayon, une arme contre la laïcisation (France, 1881-1914)

Julien Bouchet

Résumé

Conforter la peur : le crayon, une arme contre la laïcisation (France, 1881-1914) Julien BOUCHET Le terme du XIXe siècle fut contemporain de l'enracinement de la République parlementaire et démocratique en France. Il fut aussi le temps de l'émergence de réelles contestations de ce modèle républicain à ambition progressiste et émancipatrice. La presse d'opinion et de satire a été observatrice et actrice d'un basculement caractérisé notamment par l'extension de la laïcisation à l'École et à l'Hôpital au début des années 1880 et 1900, deux institutions marquées par une forte présence des clergés depuis le retour des congrégations religieuses sous la Restauration monarchique. La laïcisation a provoqué de fortes résistances, en particulier chez les catholiques militants nommés sans vergogne les « cléricaux » par leurs opposants. Une analyse comparée d'un corpus iconographique fatalement hétérogène (publications nationales et locales, presse politique et cartes postales) laisse à voir des invariants et des recompositions dans la figuration de l'opposition au mouvement de sécularisation. Pour servir ce dessein, la peur fit office d'objet commode pour toucher les Français, vulgariser un message tranché et cristalliser des résistances confessionnelles et citoyennes. Plus qu'un état émotionnel, un sentiment, un affect, la peur est ici appréhendée comme une idée politique et un levier de pouvoir essentiel. Il convient par conséquent d'évaluer les enjeux de son usage discursif. Non seulement les caricatures font état d'angoisses mais elles cherchent quelquefois à en produire de nouvelles par le biais du rire d'effroi. En ce sens, elles ne sont pas tant un exutoire qu'un outil pour conforter la peur. Cet engagement par voie de crayon suscite une réponse du camp laïc qui cherche, lui aussi, à consolider ses propres peurs. Nonobstant l'empreinte laissée par plusieurs cris iconographiques, la fin du XIXe siècle correspond aux années d'une normalisation de la dissension civile en France : domine dorénavant l'exercice de la violence symbolique. Dans ce processus, le crayon voit en fait son impact majoré. L'étude de la poétique satirique apparaît donc comme un biais essentiel pour caractériser les voix dissonantes au triomphe de Marianne anticléricale.

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Citer

Julien Bouchet. Conforter la peur : le crayon, une arme contre la laïcisation (France, 1881-1914). Ridiculosa, 2015, 22. ⟨halshs-04432068⟩

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